« Portraits de famille »
Visiblement Julien Thore veille au grain, et a trouve avec la chambre photographique un dispositif qui lui convient. Vorace, il croque ici en bon cannibale une série de portraits parodiques d'une étrange tribu, autant d’effractions inattendues au coeur même du reel le plus trivial : la photo de famille.
Comme a son habitude, il déclenche sans pitié, sans distinguer ce qui est beau et ce qui ne pourra jamais l'être. La rigueur technique admirablement contrôlée offre un contrepoint judicieux a la furie poétique des images.
Puissamment maintenus dans le cadre par la solennité du noir et blanc, les modèles privés de contexte donnent à voir un ensemble au charme énigmatique, inopiné, inexpliqué.
Mais il faut se hisser au-dessus de l'apparence rassurante d'un travail fantaisiste de petits arrangements comiques avec le concret. Car ici aucun visage ne survit pas a la griffe, et au final c'est un effrayant tableau de chasse, qui souligne l'imposture familiale.
Ce cortege de phobies et d'obsessions crues désigne l’absurdité du mythe de la famille unie. Ces déraillements insolites dénoncent la celebration du faux-semblant, et exorcisent le fantasme refoulé de la famille heureuse, où l'on se rappelle qu'un portrait compte toujours une part d'illusion mensongère. Et où l'on doit accepter que la beauté barbare de la photographie conjure souvent notre hantise de la vieillesse comme de la mort.
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